Burkholderia aenigmatica est une entité nouvelle du complexe taxonomique de B. cepacia, dont l’identification n’est pas encore généralisée.
Comme les autres bactéries de ce complexe, cette bactérie peut être à l’origine d’infections chez les patients vulnérables et en particulier ceux atteints de mucoviscidose chez lesquels elle peut engendrer des infections respiratoires.
Toutefois, les membres du complexe Burkholderia cepacia se sont avérés être des contaminants de divers produits tels que : rince-bouche, gels à ultrasons, solution de nébulisation, produits de nettoyage et d’hygiène, y compris lingettes, détergents et savon liquide, et crèmes et lotions appliquées sur la peau.
L’épisode anglais a touché des personnes avec une hospitalisation longue, un séjour en soins intensifs et un certain degré d’immunosuppression ou de dépendance. La plupart des cas a eu des infections cliniquement significatives et les isolats proviennent surtout de sites stériles (principalement du sang).
L’hypothèse de la contamination de gel d’échographie a été avancée et son usage a fait l’objet d’une mise à jour des recommandations par Public Health England en février 2021.
Cet épisode nous renvoie à une investigation Australienne de 2017 dont la synthèse a été publiée dans l’AJIC . Au total, 11 isolats similaires de B. cenocepacia, dont 9 issus d’hémocultures, ont été trouvés dans 4 hôpitaux différents. L’analyse des cas a montré qu’ils avaient tous bénéficié récemment de l’insertion d’une voie veineuse centrale sous guidage échographique. La pose se faisait à l’aide d’un kit stérile contenant en particulier une gaine de protection de la sonde et un sachet de gel d’échographie. Différentes variations et anomalies dans le packaging du gel ont conduit à sa culture qui a retrouvé une contamination avec la souche épidémique de B. cenocepacia. Un rappel des lots à risque a été fait en Australie.
En 2021, en France, aucun signal spécifique n’est remonté à ce jour via le signalement des infections nosocomiales coordonné par Santé Publique France ou le CNR auquel cette bactérie est associée. Il existe aussi un observatoire spécifique de B. cepacia implanté au CHU de Toulouse qui collabore en particulier avec l’association Vaincre la mucoviscidose.
Toutefois, cette alerte Britannique constitue une occasion pour analyser nos pratiques de bon usage des gels d’échographie en particulier dans le cadre de la pose des voies veineuses centrales. En France, pour le bon usage du gel, la lettre circulaire de février 1996, reste une référence utile. Par ailleurs le guide SF2H sur les pratiques d’échographie endocavitaire consacre une fiche spécifique à ce sujet. Pour l’insertion échoguidée de voies veineuses centrales il existe une excellente mise au point de la Fédération européenne d’ultrasonographie datant de 2016. Ce sujet est aussi abordé dans les recommandations SF2H de 2019 sur la prévention des infections liées aux cathéters périphériques vasculaires et sous-cutanés.
Même si la mobilisation de nos efforts reste logiquement concentrée sur la gestion du Covid, il apparait important de profiter de cette alerte, non matérialisée à ce jour dans notre pays, pour se pencher de nouveau sur les bonnes pratiques associées et bénéficier de l’expérience de nos collègues internationaux.
Pierre Parneix
Responsable CPIAS NA