A l’heure où des mesures de confinement sans précédent ont été prises dans notre pays les établissements de santé font face à cette situation d’exception dans un environnement où alternent engagement, crainte, espoir et doute. Les spécialistes de la prévention sont au cœur de l’action mais leur calme et leurs certitudes sont parfois mis à rude épreuve dans un contexte mouvant nécessitant de prendre des décisions inédites.
Les changements de doctrines, inhérentes à la traversée d’un phénomène épidémique jamais vu, double de difficultés d’approvisionnement inédites, mettent parfois à mal la confiance des soignants. Mais qui au premier janvier 2020 aurait pu prédire que les solutions hydro-alcooliques, tant calomniées dans notre pays, deviendrait un produit que la France s’arrache au point que l’on vient même à manquer de matière première pour les produire ? Pas moi en tout cas.
Il est tout même capital d’expliquer encore à nos collègues pourquoi on est passé d’une doctrine s’appuyant sur des précautions air à une pratique reposant sur des précautions gouttelettes. C’est l’objet de la vidéo qui suit et s’appuie sur une présentation que vous pouvez télécharger ici Webinaire Covid19 CPias NA 10 mars 2020.
L’enregistrement à une semaine, ce qui, à l’échelle temporelle de l’épisode Covid19, parait une éternité mais il est important d’affirmer nos fondamentaux et de continuer à les défendre quand l’œil du cyclone se profile pour certains et est déjà présent pour d’autres.
Des nombreux échanges que l’on vous remercie d’alimenter sur le forum Répias, on peut dégager certaines constantes que l’on peut considérer en plus des éléments de la vidéo.
Pour l’entretien des surfaces la virucidie d’un produit désinfectant, utilisé seul ou au sein d’un détergent/désinfectant, s’apprécie sur la base de la norme EN 14476. Soit on souhaite un spectre total incluant le poliovirus et dans ce cas le temps de contact permettant d’abaisser de 4 log une contamination initiale sera long avec un produit détergent/désinfectant. Soit, comme le coronavirus est un virus enveloppé, on cible une virucidie sur ce type de virus plus fragile comme la norme le permet. Dans ce cas le virus de référence est celui de la vaccine et cela reste une attitude pragmatique très recevable. Pour la technique vapeur son efficacité biocide ne peut être évalué via cette norme mais elle bénéficie depuis assez peu (mars 2019) d’une norme française spécifique à savoir la norme NF T72-110 intitulée “Procédés de désinfection des surfaces par la vapeur avec ou sans contact — Détermination de l’activité bactéricide, fongicide, levuricide, sporicide et virucide incluant les bactériophages ». La virucidie en santé humaine est appréciée sur des souches d’Adenovirus et de Norovirus “
Après, il ne faut pas confondre efficacité du produit et efficacité du processus. Toutes les surfaces qui ne seront pas traitées par le procédé de nettoyage choisi pourront conserver du virus vivant un certain temps…
Pour les solutions hydro-alcooliques arrêtons de questionner leur efficacité qui est indiscutable et concentrons notre énergie sur la mise à disposition des soignants. On peut suppléer périodiquement les difficultés d’approvisionnement industriel par une production locale. Et en attendant l’aide annoncée de l’industrie comestique, osons nous lancer dans la production de la formule OMS ou contacter les officines qui la réalisent comme les élections municipales nous en ont montré l’exemple pour les communes les plus avisées. Après notre devoir de spécialiste de la prévention reste l’adaptation sur le fondement de nos connaissances. Si j’ai une rupture en SHA et que je veux un produit à efficacité démontré sur le coronavirus j’ai à disposition la PVP iodée en scrub. Si je n’ai qu’un savon doux je sais que je me repose alors sur l’action mécanique dont l’efficacité probante a été démontrée pour le virus de la grippe par exemple. Après, j’ai encore la possibilité d’utiliser, à l’ancienne, l’alcool modifié. L’éthanol à 70° est parfaitement actif sur le Coronavirus mais par contre les mains de soignants vont se dessécher et il faudra les hydrater encore plus. Il n’y a pas de stratégie unique et chacun doit se forger le sienne dans le contexte du moment voire de l’instant. Gardons juste en tête que nous avons le potentiel et le devoir de sortir de chaque impasse car sur le terrain de la lutte face au virus nous devons toujours proposer quelque chose à nos collègues soignants.
Beaucoup d’idée et de vision circule sur le traitement d’air et nous devons rester encore très humbles sur nos connaissances et notre maîtrise de la mécanique des fluides. Toutefois, il semble assez clair que la plus mauvaise solution reste l’absence de tout renouvellement d’air, quel qu’en soit le mécanisme. C’est cela qui favorise le maintien en suspension plus prolongé des particules contaminantes en particulier si on réalise dans une pièce fermée des procédures invasives sur les voies respiratoires.
Nous avons la chance de bénéficier, avec une réactivité jamais atteinte, de recommandations scientifiques de qualité. Je tiens à remercier ici mes collègues et amis des instances de la SF2H pour la qualité du travail d’expertise fourni en continu, et pour le Dr Bruno Grandbastien et le Pr Didier Lepelletier plus particulièrement, de mener en parallèle le rude combat politique permettant de faire reconnaître l’importance de notre discipline et de nos connaissances dans le processus de décision éclairée.
Voir l’importance de gestes barrières et de l’hygiène respiratoire prônée comme la meilleur arme de prévention à notre disposition, y compris par le Chef de l’état, est tout de même un moment très particulier pour nous. Et si le ciel du moment est extrêmement sombre, il faut déjà se projeter sur une couleur bleue durable une fois la crise passée tant sur un versant écologique que sanitaire.
Nous vous souhaitons à tous courage et résistance pendant cette crise et n’oubliez pas de prendre du repos par moment pour tenir la distance.
L’ensemble des équipes CPIAS est mobilisé pour vous accompagner le temps que durera l’aventure et bien au-delà.
Cordialement
Pierre Parneix
Responsable CPIAS NA