Pourriez-vous présenter en quelques mots ?
Mon nom est Jean-Christophe LUCET, je suis chef de l’unité de prévention des infections à l’hôpital Bichat-Claude Bernard à Paris.
Dans quel cadre a été réalisée cette vidéo concernant l’EEV (besoins des publics, actualisation des pratiques… ?)
La réalisation de cette vidéo vient après une étude menée avec des collègues gynécologues-obstétriciens. Ce projet de recherche a été coordonné par 3 personnes : le Pr. Marc Dommergues (Service de gynécologie et obstétrique, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, APHP), le Dr Isabelle Heard (centre de référence des papillomavirus, Institut Pasteur), et moi-même. Il a été financé en 2014 pour mesurer le risque infectieux lié à l’échographie endo-vaginale (EEV) ; on suspectait alors que cette échographie pouvait être responsable de transmissions d’un certain nombre de bactéries ou virus entre les patientes, et notamment du papillomavirus.
D’autre part, le sujet de l’EEV – et plus largement des échographies endocavitaires – posait question, car les méthodes de désinfection des sondes utilisées jusqu’alors en France, reposaient sur une désinfection que l’on appelle de bas niveau. Cette désinfection consiste à passer des produits détergents-désinfectants, qui se trouvent sur une lingette, complété par l’utilisation d’une gaine protectrice. Cette gaine protectrice est changée entre chaque examen. Les produits utilisés pour la désinfection étaient classés de bas niveau, alors que les recommandations internationales correspondent à une désinfection intermédiaire.
Ces questions sont entrées dans un contexte sensible, avec la médiatisation du risque de transmission de patiente à patiente par l’EEV. En 2019, les recommandations françaises ont rejoint les recommandations internationales, pour la mise en place d’une désinfection intermédiaire.
Le projet vient de la volonté de mettre en lien une contamination des sondes, ou de l’environnement de l’EEV avec les pratiques de la réalisation de l’échographie et de la désinfection. Nous pensions qu’environ 3% à 5% des prélèvements seraient positifs à un virus moins sensible aux produits utilisés, et persistant dans l’environnement, le papillomavirus (HPV), qui est l’agent infectieux responsable des cancers du col de l’utérus.
L’étude a été menée en 2016 -2017, et nous avons inclus presque 50 centres de la région parisienne réalisant de l’EEV dans les services d’urgence, ou des échographies planifiées pour des suivis de grossesses… Deux sages-femmes expérimentées ont audité presque 700 EEV. Les pratiques de la réalisation des gestes et de la désinfection ont été observées, en même temps que des prélèvements étaient réalisés sur les sondes après désinfection, recouvertes de leurs gaines protectrices et avant un nouvel examen, ainsi que sur le clavier de l’échographe.
Dans un premier temps, les principaux résultats de l’enquête ont montré que les principes de réalisation de l’échographie et de la désinfection n’étaient pas toujours respectés : un certain nombre de sondes n’étaient pas désinfectées entre 2 patientes – la gaine était simplement changée. Egalement les pratiques gestuelles et de désinfection n’étaient pas toujours adaptées : beaucoup de choses restent à améliorer.
Cependant, il y a eu un très faible de taux de positivité par papillomavirus : seulement 2 prélèvements étaient positifs, sur plus de 2000. Ces deux prélèvements se trouvaient sur le clavier de l’ordinateur.
Les conclusions de cette étude sont celles-ci :
- la gestuelle et les pratiques sont perfectibles, notamment l’hygiène des mains, la désinfection, l’indépendance des deux mains lorsque l’on fait l’examen.
- Lorsque l’audit des pratiques a été est réalisé, le très faible taux de contamination par HPV a probablement été induit parce que les services avaient accepté d’être audités, avaient prévu la visite et amélioré leurs pratiques, ainsi que par l’attention du personnel audité à réaliser au mieux les gestes. Cette influence explique ainsi la discordance entre les chiffres publiés auparavant, et nos données.
- Cette observation permet cependant de souligner que dès lors que les pratiques sont globalement respectées, le risque infectieux est très faible.
Quelle est l'intention principale derrière la réalisation de cette vidéo ?
Avec mes collègues sur ce projet, nous avons pensé qu’il était important qu’il y ait des retombées pratiques sur la façon de réaliser une EEV, notamment pour les jeunes internes en formation. Nous avons donc réalisée cette vidéo, avec Marc Dommergues et l’aide de mon équipe, le Dr. Valérie Goldstein et Mme Anne-Laure Baptiste.
Le Pr Marc Dommergues est l’acteur présent sur la vidéo. Avec lui, nous avons filmé une EEV et une désinfection correctement réalisées, respectant les nouvelles recommandations.
Cette vidéo vise aussi à montrer qu’il est important d’élargir les bonnes pratiques de réalisation de l’examen, non seulement à la désinfection de la sonde et du manche, mais aussi à l’environnement d’examen. On peut par exemple facilement imaginer que la sonde puisse être re-contaminée, si les mains sont contaminées auprès d’un clavier ou après une mauvaise gestuelle. Il devrait permettre d’améliorer un comportement général, au-delà de la désinfection de la sonde elle-même.