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La phagothérapie ou l’histoire d’une aventure microbiologique et humaine

Du mardi 27 novembre 2007, certains gardent peut être le souvenir de l’ouverture des négociations entre la Ministre de l’enseignement supérieur et les organisations étudiantes réclamant l’abrogation de la loi sur l’autonomie des universités. Pourtant, non loin de là, se tient à la Maison de la chimie le colloque « Infections associées aux soins et résistances aux antibiotiques...

La phagothérapie ou l’histoire d’une aventure microbiologique et humaine

Du mardi 27 novembre 2007, certains gardent peut être le souvenir de l’ouverture des négociations entre la Ministre de l’enseignement supérieur et les organisations étudiantes réclamant l’abrogation de la loi sur l’autonomie des universités. Pourtant, non loin de là, se tient à la Maison de la chimie le colloque « Infections associées aux soins et résistances aux antibiotiques », présidé par le Sénateur Alain Vaselle, auteur l’année précédente d’un rapport remarqué, avec comme conseiller scientifique l’incontournable Jean Carlet.

Le sénateur Vaselle préside lui-même la cinquième table ronde consacrée à la promotion de la recherche. En introduction Alain-Michel Ceretti, Président de l’association Le Lien, évoque les perspectives offertes par la phagothérapie, qui semble constituer une piste intéressante. Il s’en suit une présentation de cette approche thérapeutique par le Docteur Alain Dublanchet qui souligne les avantages des bactériophages à savoir :

  • leur spécificité ;
  • l’absence de résistance croisée avec d’autres bactéries ;
  • leur caractère complémentaire des antibiotiques.

Force est de constater à l’époque, qu’en dehors de ce deux hommes, cette thérapie ancienne tombée en désuétude n’a guère de supporter dans notre pays. Pourtant les deux hommes vont porter cet espoir avec force par le truchement en particulier des états généraux biennaux du Lien. Au travers de témoignages forts de patients ayant eu recours avec moult difficultés, mais succès final, à cette thérapeutique pour guérir des infections que l‘on annonçait incurables avec une amputation comme seule perspective, ils vont alerter tant le grand public que la communauté scientifique. Lors de l’édition 2013, à l’occasion d’une table rond intitulée « Les utopies du Lien seront-elles les réalités de demain », on découvre notre collègue, le Docteur Jérôme Larché et son association Phag Espoir. Impossible d’oublier le témoignage poignant de son frère Hervé, atteint de mucoviscidose, contraint d’aller en Géorgie pour bénéficier d’un traitement par phages qui, à l’époque, avait significativement amélioré sa capacité respiratoire. Parmi ses nombreuses présentations sur le sujet, Jérôme Larché fut l’orateur de la conférence invitée du congrès SF2H en 2018 dans sa ville de Montpellier.

L’actualité récente nous montre que l’époque a changé et que ce recours est désormais une possibilité crédible. Mais gardons en tête cette combinaison gagnante entre usagers et professionnels qui nous a permis de franchir le première marche qui était la plus haute. Pour tout comprendre des phages, on peut regarder cette interview de Laurent Debardieux de l’Institut Pasteur.

Du militantisme à une recherche scientifique organisée, les étapes ont été franchies dans notre pays avec en particulier le lancement du premier essai thérapeutique clinique en France à savoir l’étude PhagoBurn. Un papier intéressant publié cette année dans le Lancet Infectious Diseases présente  les résultats de cette première d’importance et voyons ce que l’on peut en retenir.

L’essai a été interrompu avant la fin en raison d’une efficacité plus lente des phages sur les infections superficielles à Pseudomonas aeruguinosa des brulés comparée à un traitement antiseptique de référence (crème de sulfadiazine d’argent à 1%). Le délai médian d’efficacité était de 6 jours pour les phages contre 2 pour la crème. Par contre, les auteurs soulignent que pour la première fois on a démontré une efficacité des phages dans ce traitement local. Ils soulignent aussi le problème de fabrication qu’ils ont eu et en fait les cocktails de phages se sont avérés 1 000 fois moins concentrés qu’initialement espéré ce qui pourrait expliquer cette moindre efficacité. Dans l’article il est dit aussi qu’en France depuis cet essai 7 patients ont été traité avec succès par des phages d’infection dans des protocoles compassionnels. La conclusion reste optimiste pour le développement de cette approche thérapeutique en médecine.

Une revue récente en open access fait le point de tous les traitements compassionnels publiés à ce jour. Au total, 29 publications ont été recensées. On voit que des entreprises biotech commencent à développer des phages et on trouve dans la courte liste le français Pherecydes Pharma; société qui a reçue en 2015 un des 5 trophées Espoir Patients du Lien. Sans surprise les 3 bactéires cibles les plus fréquentes sont Staphylococcus aureus,et Pseudomonas aeruginosa and Escherichia coli. Sur les séries de plus de 50 patients les taux de guérison varient de 44 à 86%.

Dans son rapport de juin 2015 à la Ministre de la Santé, intitulé, « Tous ensemble, sauvons les antibiotiques », Jean Carlet soulignait l’importance de développer stratégies alternatives aux antibiotiques, tels les bactériophages, les approches anti virulentes ou les produits minimisant les effets des antibiotiques sur le microbiote et de clarifier leur encadrement réglementaires et scientifique.

Nous sommes loin d’être au bout du chemin, mais il est désormais certain que ce qui n’était il y a dix ans que le rêve d’une poignée est désormais l’espoir d’un très grand nombre. Donnons-nous les chances de le concrétiser !

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