Parmi les nouveaux agents pathogènes contre lesquels il nous faut désormais lutter, il y a les fake news qui entourent l’hygiène des mains et leur désinfection par les solutions hydro-alcooliques. L’automne démarre bien avec un accès de fièvre qui cette fois n’est plus français mais bien mondial puisque c’est la très célèbre chaine de télévision CNN qui a ouvert le bal. Le virus s’est propagé rapidement pour toucher aussi la France via un média national important en l’occurrence LCI puis d’autres qui prennent le relai selon le processus viral usuel.
Comme à son habitude la SF2H, par la voix de son Président Bruno Grandbastien, a été prompte à réagir pour endiguer ce nouvel assaut du désormais tristement célèbre « bad buzz ».
La controverse scientifique prend racine cette fois au pays du soleil levant et, au moins, on pourra trouver aux fake news la vertu de nous faire voyager. Les auteurs japonais de ce papier controversé annoncent d’emblée la couleur puisque le titre n’est autre que « Les situations conduisant à réduire l’efficacité de l’hygiène des mains sur les mucosités contagieuses des patients grippés ». Comme l’a souligné Bruno Grandbastien, il ne peut y avoir de conséquences cliniques à cette réflexion puisque la simple lecture des précautions standard nous rappelle, qu’en milieu de soins, il faut porter des gants en cas de contact potentiel avec un produit biologique et que si celui-ci advient par défaut d’anticipation il faudra alors privilégier le lavage des mains à la friction hydro-alcoolique. Comme à chaque fois, dans ce type d’étude générant la controverse, le protocole est complexe et composé d’une succession d’expériences différentes dont il n’est pas aisé de comprendre la méthode et les résultats.
Ici, la partie la plus clinique consiste à déposer sur les doigts de 3 volontaires soit du mucus de patients atteints de pathologies infectieuses respiratoires, d’abord inactivé par irradiation puis contaminé artificiellement par une dose très importante de virus de la grippe (1 000 000 par ml). La représentation qu’ont les auteurs de l‘hygiène des mains est assez spéciale puisque dans l’étude on verse sur les doigts soit de l’eau avec un flux continu, sans usage de savon, soit de l’alcool en quantité définie et à chaque fois sans aucun mouvement des mains.
Se représenter la situation en pratique de vie est importante en particulier pour le grand public qui reçoit les messages médiatiques sans toutes les informations pour les décrypter. Imaginons que durant l’épidémie de grippe annuelle, vous vous trouvez face à une surface contaminée par un crachat. Pour faire plaisir à nos auteurs japonais, vous ne pouvez résister à la tentation d’en tâter la texture avec vos doigts. Pour continuer à leur rendre hommage vous sortez alors votre solution de produit hydro-alcoolique que vous versez délicatement sur vos doigts souillés et vous attendez ainsi sans bouger. Si vous êtes un vrai stoïcien, vous patientez alors 4 minutes pour être certain, l’étude le démontre, que s’il y avait des virus de la grippe dans le crachat, même en grande quantité, ils soient tous éliminés. Par contre, si vous êtes juste un citoyen classique doté d’un bon sens élémentaire, vous allez directement après le contact, normalement accidentel, avec l’expectoration vous laver les mains si vous avez un point d’eau à proximité. Sinon, vous enlèverez ces mucosités avec un mouchoir à usage unique puis vous vous désinfecterez les mains avec votre solution hydro-alcoolique préférée et vous serez instantanément protégé d’une contamination si vous veniez ensuite à porter vos doigts vers votre bouche, votre visage ou votre œil ; portes d’entrée potentielles du virus de la grippe. En effet, l’étude confirme ce que l’on sait depuis longtemps à savoir que lorsqu’il n’y a plus de souillure apparente le virus, en condition dite sèche, est totalement inactivée par une solution hydro-alcoolique, ici de l’éthanol à 80%, en moins de trente secondes.
Après cette étude a le mérite de nous rappeler ce que de nombreuses études ont déjà démontré à savoir que si la friction avec un produit hydro-alcoolique est efficace sur les virus grippaux, un lavage avec de l’eau et du savon doux a aussi une capacité à les éliminer par mécanisme de détersion physique. L’autre point que l’on connait bien aussi réside dans le fait que la présence de substance interférente, de type matière organique, diminue l’efficacité de l’alcool. Il est intéressant quand même de noter dans ce papier que lorsque l’on verse directement de l’alcool sur des mucosités fraiches le temps pour atteindre les virus en son sein est multiplié d’un facteur 10, comparée à lorsqu’elles sont desséchées, mais il finit par y arriver.
Les spécialistes de la prévention du risque infectieux savent évidement que la virucidie des produits-hydro-alcooliques pour la friction des mains s’effectue via la norme NF EN 14476 (Phase 2 – étape 1) en conditions de propreté. Cela sous-tend une concentration en albumine de 0,3 gr par litre. A titre de comparaison les mucus respiratoires humains en contient autour 10 gr / L avec des variations selon les conditions physiologiques et l’étude japonaise montre bien que plus la viscosité des sécrétions augmentent plus elles ont un côté « imperméable ».
Au total, on ne peut qu’engager les experts à relire les pages 37 à 40 du guide SF2H pour se donner du courage et repartir au combat pour contrer la nouvelle fausse rumeur. Pour le grand public on ne saurait que suggérer d’écouter les 6 conseils de Guillaume Daudin, journaliste à l’AFP, pour limiter la circulation des fake news sur les médias sociaux.
Il faut savoir que par ailleurs Didier Pittet et son équipe préparent une réponse via un journal scientifique dans la cadre du groupe fake news du projet Clean Hospitals.
Tout le monde est donc mobilisé et cela est plus que jamais nécessaire. A vous de jouer aussi !